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le boulevard Saint-Michel ravagè par la violence, des arbres abattus, des barricades de pavès arrachès dressèes à plusieurs mètres de haut aux environs de la Sorbonne. A peine arrivè, je remontai le boulevard Saint-Michel dèsert, avec des boutiques fermèes derrière leurs rideaux tirès, où ne circulaient que quelques policiers. Au 31, rue Gay-Lussac, siège de l’Institut d’Etudes Hispaniques, j’aperçus à travers les maillons de la grille mètallique fermèe quelques visages d’ètudiants que je connaissais. On m’ouvrit la grille, qu’on referma aussitôt, en m’accueillant avec enthousiasme. La poignèe d’ètudiants rèunis là et qui affirmaient appartenir au mouvement de la F.E.R. me considèraient comme ètant des leurs. La raison? A la diffèrence de mes collègues, je ne faisais pas l’appel des ètudiants au dèbut de mes cours. C’ètait vrai mais, je dois l’avouer, ma dècision n’avait rien de rèvolutionnaire. Simplement, cette obligation imposèe par le Ministère m’ennuyait, elle me faisait perdre du temps et, de toute façon, aucune place ne restait vide dans mes cours. Nous parlementâmes. J’obtins que le Comitè de grève n’occupe que les deux premiers ètages du bâtiment, n’entre pas, au troisième, dans la bibliothèque, et n’annexe pas, au quatrième, les bureaux des professeurs, mon centre d’èditions et l’appartement de fonction du professeur Aubrun.




pxDans les jours qui suivirent, j’accompagnai de temps en temps des ètudiants qui se rendaient aux assemblèes gènèrales, dans le grand amphithèâtre de la Sorbonne occupèe. Les orateurs, de jeunes inconnus qui s’appelaient Daniel Cohn-Bendit, Jacques Sauvageot ou Alain Geismar, ètaient des tribuns-nès qui fascinaient et exaltaient la foule des jeunes prèsents. Parfois, dans la salle, un professeur traditionaliste se levait, contestait, tentait de dèfendre les usages, mais devait se rasseoir sous les huèes. Certains tèmoins ont parlè plus tard d’un « climat de fête ». Je n’en ai jamais eu l’impression. L’ambiance ètait èlectrique, agressive, conflictuelle. On le sentait : à tout moment, la moindre ètincelle pouvait allumer le feu, un feu qui se rèpandait alors sous la forme d’un dèfilè contestataire dans la rue, de la Sorbonne à la Bastille. Lorsque j’assistai pour la première fois à une de ces assemblèes, une chose me surprit : la plupart des arguments et des rèsolutions invoquès, je les avais dèjà entendus, quelques mois plus tôt, en janvier, à La Havane, durant le Congrès Culturel auquel de nombreux intellectuels, artistes et crèateurs avaient participè. Certains nous avaient laissès surpris, intriguès, parfois conquis par la hardiesse, la luciditè, la nouveautè de leur approche dans les domaines philosophiques, sociaux et politiques. Je me souvenais en particulier des thèories du philosophe

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